Les dysfonctions musculosquelettiques cervicales dans la migraine pédiatrique : Une étude transversale
Lien entre problème cervical et migraine
Alors que le lien entre migraine, douleurs cervicales et dysfonctions musculosquelettiques est bien établi chez les adultes, cette relation reste peu claire chez les enfants. Cette lacune limite la compréhension des mécanismes physiopathologiques précoces et freine le développement d’interventions ciblées pour cette population. C’est dans ce contexte que des chercheurs brésiliens de l’Université de São Paulo ont mené cette étude pour combler ce vide scientifique.
Objectifs de l’étude
L’objectif principal était d’évaluer les douleurs cervicales rapportées par les patients, le seuil de douleur à la pression, l’amplitude de mouvement cervical globale et la mobilité cervicale supérieure chez les enfants et adolescents avec et sans migraine. Les chercheurs voulaient déterminer si les jeunes migraineux présentent des altérations musculosquelettiques similaires à celles observées chez les adultes.
Méthodologie
Il s’agit d’une étude transversale incluant 102 participants au total (51 avec migraine et 51 contrôles), âgés de six à seize ans. L’étude a été menée entre octobre 2023 et août 2024 dans une clinique spécialisée en céphalées pédiatriques d’un hôpital tertiaire. Le groupe avec migraine a été diagnostiqué par un neurologue expérimenté selon les critères de la troisième édition de la Classification Internationale des Céphalées.
Les chercheurs ont utilisé plusieurs outils d’évaluation précis :
Pour la douleur cervicale : Les caractéristiques de la douleur ont été enregistrées, incluant sa présence, sa fréquence, son intensité et sa durée.
Pour la mobilité cervicale globale : Les mouvements ont été mesurés en flexion (mouvement vers l’avant), extension (vers l’arrière), flexion latérale (inclinaison sur les côtés) et rotation (mouvement de droite à gauche).
Pour la mobilité cervicale supérieure : Le test de flexion-rotation (FRT) a été utilisé pour évaluer la mobilité de la partie haute du cou.
Pour la sensibilité à la douleur : Le seuil de pression douloureuse a été mesuré bilatéralement dans plusieurs muscles clés : le sterno-cléido-mastoïdien, le releveur de l’omoplate, les muscles sous-occipitaux, le trapèze supérieur et les scalènes antérieurs. Cette mesure permet de déterminer la pression minimale nécessaire pour déclencher une douleur, un seuil plus bas indiquant une sensibilité accrue.
Résultats principaux
Les résultats de cette étude sont particulièrement révélateurs et confirment que les enfants migraineux présentent des dysfonctions cervicales significatives :
Concernant la douleur cervicale : Comparé au groupe contrôle, le groupe migraine a montré une prévalence plus élevée de douleur cervicale (39,2% contre 5,9%) et une durée moyenne plus longue (19 heures en moyenne contre 8 heures). Cela signifie que près de quatre enfants migraineux sur dix souffrent également de douleurs au cou, et quand ces douleurs surviennent, elles durent plus de deux fois plus longtemps que chez les enfants non migraineux qui peuvent occasionnellement avoir mal au cou.
Concernant la mobilité cervicale : Une réduction de la flexion latérale et une réduction de la mobilité cervicale supérieure ont été observées dans le groupe migraine. Concrètement, les enfants migraineux ont plus de difficultés à incliner leur tête sur les côtés et à effectuer des mouvements de rotation de la partie haute du cou. Cette limitation fonctionnelle peut avoir des répercussions sur leurs activités quotidiennes.
Concernant la sensibilité musculaire : Tous les muscles évalués ont montré des valeurs de seuil de pression douloureuse significativement plus basses dans le groupe migraine par rapport aux contrôles, indiquant une sensibilité accrue à la douleur. En d’autres termes, il faut appliquer moins de pression sur les muscles du cou des enfants migraineux pour qu’ils ressentent de la douleur. Cette hypersensibilité touche l’ensemble de la région cervicale, pas seulement un muscle isolé.
Interprétation et implications cliniques
Ces dysfonctions pourraient ne pas représenter des comorbidités coïncidentes ; elles peuvent plutôt agir comme des déclencheurs potentiels en augmentant la stimulation nociceptive périphérique ou comme des facteurs perpétuants en maintenant l’excitabilité centrale. En langage courant, les problèmes de cou ne sont pas simplement des troubles qui coexistent par hasard avec la migraine : ils pourraient activement contribuer au déclenchement des crises ou à leur maintien.
Dans les populations pédiatriques, cette interaction peut être encore plus influencée par la maturation continue de la biomécanique cervicale, de la proprioception et du contrôle musculaire profond, ce qui pourrait influencer la vulnérabilité aux dysfonctions musculosquelettiques et leur impact sur le fardeau de la migraine. Chez les enfants et adolescents, le système musculosquelettique cervical est encore en développement, ce qui pourrait les rendre particulièrement sensibles à ces dysfonctions.
Les chercheurs soulignent un point important : Bien qu’il s’agisse d’une étude transversale, les résultats sont cohérents avec l’hypothèse que les dysfonctions cervicales contribuent à l’expression clinique de la migraine chez les enfants, non pas nécessairement comme causes directes, mais comme modulateurs pouvant interagir avec les processus neurophysiologiques. Cette nuance est cruciale : l’étude ne peut pas affirmer que les problèmes de cou causent la migraine (cela nécessiterait un suivi dans le temps), mais elle montre qu’ils sont intimement liés et peuvent influencer le cours de la maladie.
NDLR : D’autres chercheurs émettent l’hypothèse d’une causalité directe entre les troubles cervicaux et les céphalées primaires y compris les migraines. En tout cas, le fait de corriger ces troubles et stimuler le système nerveux pour renforcer le système permet de grandement diminuer la fréquence et l’intensité des crises migraineuses.
Implications pour la prise en charge
Cette recherche a des conséquences pratiques importantes pour le traitement des jeunes migraineux. Les résultats soutiennent l’inclusion systématique d’évaluations musculosquelettiques cervicales dans la prise en charge clinique de la migraine pédiatrique. Concrètement, cela signifie que les professionnels de santé qui suivent des enfants et adolescents migraineux devraient systématiquement :
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Interroger sur la présence de douleurs cervicales : Ne pas se concentrer uniquement sur les maux de tête, mais explorer également les symptômes au niveau du cou.
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Évaluer la mobilité cervicale : Vérifier si l’enfant peut effectuer normalement les mouvements du cou, particulièrement l’inclinaison latérale et la rotation haute cervicale.
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Examiner la sensibilité musculaire : Identifier une éventuelle hypersensibilité des muscles cervicaux qui pourrait nécessiter une prise en charge spécifique.
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Considérer une approche multidisciplinaire : Intégrer potentiellement des interventions de physiothérapie ou de thérapie manuelle ciblant les dysfonctions cervicales, en complément du traitement médical classique de la migraine.
Contexte scientifique plus large
Cette étude s’inscrit dans un corpus de recherches croissant qui reconnaît l’importance du système musculosquelettique dans la migraine. Le système trigémino-cervical, qui connecte les nerfs de la tête et du cou, joue un rôle central dans cette relation. Les informations sensorielles provenant de la région cervicale peuvent influencer le système trigéminal, responsable de la douleur migraineuse, créant ainsi une voie bidirectionnelle d’interaction.
Chez l’adulte, de nombreuses études ont déjà documenté ces liens, montrant que les patients migraineux présentent fréquemment des tensions musculaires, des restrictions de mobilité et des points gâchettes (trigger points) dans la région cervicale. Cette nouvelle étude confirme que ces caractéristiques sont également présentes chez les enfants et adolescents, suggérant que ces mécanismes s’établissent précocement dans l’évolution de la maladie migraineuse.
Limites et perspectives
Bien que cette étude apporte des informations précieuses, elle présente certaines limites inhérentes à sa méthodologie. Comme il s’agit d’une étude transversale (une « photographie » à un instant donné), elle ne permet pas d’établir de relations de cause à effet. On ne peut pas déterminer avec certitude si les dysfonctions cervicales précèdent et contribuent à la migraine, ou si c’est la migraine qui entraîne progressivement ces problèmes cervicaux, ou encore si les deux phénomènes s’influencent mutuellement dans un cercle vicieux.
Des études longitudinales, suivant les enfants sur plusieurs années, seraient nécessaires pour mieux comprendre l’évolution temporelle de ces dysfonctions et leur relation avec le développement et la progression de la migraine. De même, des essais cliniques contrôlés évaluant l’efficacité d’interventions ciblant spécifiquement les dysfonctions cervicales chez les jeunes migraineux permettraient de déterminer si leur traitement peut effectivement réduire la fréquence ou l’intensité des crises migraineuses.
Conclusion
Cette étude brésilienne apporte une contribution significative à notre compréhension de la migraine pédiatrique. Elle démontre que, similairement aux adultes, les enfants et adolescents souffrant de migraine présentent des altérations musculosquelettiques cervicales, incluant des douleurs cervicales, une mobilité cervicale réduite – particulièrement en flexion latérale et rotation cervicale supérieure – et une sensibilité accrue des muscles cranio-cervicaux.
Ces résultats plaident pour une approche plus globale et intégrée de la prise en charge de la migraine chez les jeunes patients, reconnaissant l’importance du système musculosquelettique cervical dans la maladie. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur le traitement pharmacologique des crises ou de la prévention migraineuse, une évaluation et un traitement des dysfonctions cervicales pourraient offrir des bénéfices additionnels significatifs.
Pour les parents d’enfants migraineux, cette étude suggère l’importance de signaler au médecin toute douleur ou raideur cervicale accompagnant les migraines, et de considérer, en accord avec l’équipe médicale, une évaluation par un physiothérapeute ou un praticien formé à l’examen musculosquelettique. Pour les professionnels de santé, elle renforce la nécessité d’une approche multidisciplinaire dans la prise en charge de la migraine pédiatrique, intégrant l’expertise neurologique, la physiothérapie et potentiellement d’autres disciplines pour optimiser les résultats pour ces jeunes patients.
Solutions pour la migraine dans notre cabinet
Comme expliqué dans d’autres articles sur notre site, et comme souligné dans cette étude, le lien entre les problèmes cervicaux et notamment la raideur cervicale et les céphalées de tension et les migraines font l’objet de plus en plus d’études et même si le lien de causalité n’est pas établi à 100%, des études montrent que les soins chiropratiques et les thérapies manuelles sont efficaces pour diminuer les symptômes migraineux que ce soit au niveau de la fréquence ou de l’intensité des crises.
Dans notre centre de Chiropraxie pour les céphalées et migraines, l’accent est mis sur un travail chiropratique pour enlever les irritations nerveuses au niveau de la colonne cervicale, de stimuler le système nerveux à l’aide de la neurostimulation et des exercices vestibulaires et oculomoteurs, quand c’est nécessaire, et d’aider à corriger au mieux la courbure cervicale. C’est cette combinaison entre les soins chiropratiques et la neurologie fonctionnelle qui permet d’aider les patients avec ces céphalées et migraines chroniques.
Références :
- Silva NVD, Bevilaqua-Grossi D, Pradela J, Dach F, Pinheiro-Araujo CF. Cervical musculoskeletal dysfunctions in pediatric migraine: A cross-sectional study. Cephalalgia. 2025 Oct;45(10):3331024251387033.