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Migraine : au-delà de la douleur

 

La migraine est de plus en plus reconnue comme un trouble du réseau cérébral, où les symptômes cognitifs liés aux crises (déficits d’attention, ralentissement de la vitesse de traitement et dysfonctionnement exécutif) peuvent être aussi invalidants que la douleur elle-même. En fait, le dysfonctionnement cognitif représente la deuxième cause principale d’invalidité chez les patients migraineux, après la douleur. 

Cette réalité bouleverse notre compréhension traditionnelle de la migraine. Pendant longtemps, on a considéré cette maladie principalement comme un problème de douleur intense et récurrente. Aujourd’hui, les chercheurs reconnaissent qu’elle affecte profondément le fonctionnement global du cerveau. Ces problèmes cognitifs touchent les personnes migraineuses durant leurs crises, mais peuvent également persister entre les épisodes, affectant leur vie professionnelle, sociale et personnelle de manière significative.

 

Qu’est-ce que le dysfonctionnement cognitif dans la migraine ?

 

Les patients migraineux présentent des déficits dans la mémoire de travail, le traitement visuospatial, la fluidité verbale et les fonctions exécutives durant les périodes sans crise. Les fonctions exécutives sont les capacités mentales supérieures qui nous permettent de planifier nos actions, d’organiser notre travail, de résoudre des problèmes complexes et de nous adapter à des situations nouvelles. Ce sont ces fonctions qui nous permettent, par exemple, de préparer un repas en gérant plusieurs tâches simultanément ou de mener à bien un projet professionnel complexe. 

Les patients migraineux se plaignent principalement de problèmes d’attention et de mémoire, mais aussi de confusion durant les crises, ce qui compromet leur efficacité cognitive. Concrètement, cela peut se manifester par des difficultés à se concentrer sur une tâche, à suivre une conversation, à retrouver ses mots ou à se souvenir d’informations récentes. Pendant les attaques, on observe systématiquement des troubles cognitifs réversibles qui affectent la vitesse de traitement (le temps nécessaire pour comprendre et réagir à une information), l’attention, la mémoire verbale et les fonctions exécutives.

 Ces symptômes cognitifs peuvent avoir un impact considérable sur la vie quotidienne. Un patient migraineux peut avoir du mal à terminer un rapport au travail, oublier des rendez-vous importants, ou avoir besoin de relire plusieurs fois le même paragraphe pour en comprendre le sens. Pour beaucoup, ces difficultés sont aussi handicapantes, voire plus, que la douleur elle-même.

 

Les régions cérébrales impliquées dans les troubles cognitifs

 

Ces symptômes sont associés à des changements fonctionnels et structurels tout au long du cycle migraineux, impliquant le cortex préfrontal, le thalamus, l’hypothalamus, l’hippocampe et le cervelet. Ces régions cérébrales forment un réseau complexe et chacune joue des rôles essentiels dans nos capacités cognitives :

 

Le cortex préfrontal, situé à l’avant du cerveau, est le chef d’orchestre de nos fonctions cognitives supérieures. Il gère la prise de décision, la planification, le raisonnement abstrait et le contrôle de nos impulsions. C’est grâce à lui que nous pouvons anticiper les conséquences de nos actes et adapter notre comportement.

Le thalamus agit comme une station relais centrale pour l’information sensorielle. Toutes les informations sensorielles (sauf l’odorat) passent par cette structure avant d’atteindre le cortex cérébral. Il joue un rôle crucial dans la régulation de l’attention et de la conscience.

L’hippocampe est la structure clé pour la formation de nouveaux souvenirs et pour la navigation spatiale. Sans lui, nous ne pourrions pas créer de nouveaux souvenirs à long terme ni nous repérer dans l’espace.

Le cervelet, longtemps considéré uniquement pour son rôle dans la coordination des mouvements, participe également aux fonctions cognitives, notamment l’apprentissage, la mémoire de travail et le traitement du langage.

L’hypothalamus régule de nombreuses fonctions vitales comme le sommeil, l’appétit et les rythmes circadiens, qui ont tous un impact sur nos capacités cognitives.

 

Les mécanismes sous-jacents des troubles cognitifs chez le patient migraineux

 

Les études montrent que l’hyperréactivité corticale et l’habituation sensorielle déficiente contribuent au traitement attentionnel altéré, reflétant un dysfonctionnement thalamocortical et une plasticité synaptique anormale comme mécanismes sous-jacents.

Décortiquons ces concepts complexes. L’hyperréactivité corticale signifie que le cerveau des personnes migraineuses réagit de façon excessive aux stimuli. Imaginez un système d’alarme trop sensible qui se déclenche au moindre mouvement : c’est ce qui se passe dans le cerveau migraineux. Cette surexcitabilité fait que des stimuli normaux (lumière, bruit, odeurs) peuvent déclencher des réactions disproportionnées.

L’habituation sensorielle est notre capacité à « filtrer » les informations répétitives ou non pertinentes. C’est pourquoi on ne sent plus nos vêtements sur notre peau après quelques minutes, ou pourquoi on finit par ne plus entendre le tic-tac d’une horloge. Chez les migraineux, ce mécanisme d’habituation fonctionne mal. Leur cerveau continue de traiter activement des stimuli que les autres ont appris à ignorer, ce qui entraîne une surcharge cognitive constante.

Les migraineux ont du mal à ajuster leur attention, nécessitent plus de temps pour les processus automatiques et montrent une hyperexcitabilité corticale et un manque d’habituation aux stimuli répétés, ce qui représente une forme de mécanisme d’apprentissage. Cette difficulté à automatiser certains processus mentaux signifie que des tâches qui devraient être faciles et rapides demandent plus d’effort et de concentration.

La plasticité synaptique anormale fait référence à la façon dont les connexions entre neurones se modifient en réponse à l’expérience. Dans la migraine, ces mécanismes d’apprentissage et d’adaptation ne fonctionnent pas de manière optimale, ce qui peut expliquer certains des troubles cognitifs observés.

Ce que révèlent l’imagerie cérébrale dans le cas des migraines

 

Les technologies d’imagerie cérébrale moderne permettent d’observer le cerveau en action et ont révélé des anomalies spécifiques chez les patients migraineux. Des études d’imagerie ont montré une activité altérée dans les structures liées à la mémoire, notamment l’hippocampe, l’insula et les cortex temporaux, fournissant des preuves objectives des altérations de la mémoire chez les patients migraineux. 

L’insula est une région profonde du cerveau impliquée dans la conscience de soi, les émotions et le traitement de la douleur. Son dysfonctionnement dans la migraine pourrait expliquer non seulement les troubles de la mémoire mais aussi l’hypersensibilité à la douleur caractéristique de cette maladie.

De plus, les patients présentent une connectivité intrinsèque anormale au sein du réseau exécutif central et du réseau de saillance, ainsi qu’une meilleure connectivité entre le réseau du mode par défaut et certaines régions cérébrales. Ces réseaux cérébraux fonctionnent de manière coordonnée pour gérer différents aspects de la cognition. 

Le réseau exécutif central est actif lorsque nous devons accomplir des tâches qui demandent de l’attention et de la concentration. Le réseau de saillance détermine ce qui mérite notre attention à un moment donné. Le réseau du mode par défaut, quant à lui, est actif lorsque nous ne faisons rien de particulier, quand notre esprit vagabonde ou quand nous pensons à nous-mêmes. Chez les migraineux, la communication anormale entre ces réseaux pourrait expliquer les difficultés à maintenir l’attention et à filtrer les distractions.

 

Les facteurs modulateurs

 

Le dysfonctionnement cognitif dans la migraine n’est pas uniforme : il varie considérablement d’une personne à l’autre et même chez une même personne au fil du temps. La performance cognitive est modulée par la sévérité de la maladie, la chronification, les fluctuations hormonales, les comorbidités psychiatriques, les troubles du sommeil et l’utilisation de médicaments.

L’anxiété et la dépression, fréquentes chez les patients migraineux, affectent négativement la mémoire de travail, les fonctions exécutives et l’attention. Ces troubles psychiatriques peuvent créer un cercle vicieux : la migraine favorise l’anxiété et la dépression, qui à leur tour aggravent les troubles cognitifs et peuvent augmenter la fréquence des crises.

Les troubles du sommeil sont particulièrement problématiques. Un sommeil de mauvaise qualité ou insuffisant affecte directement les capacités cognitives, même chez les personnes sans migraine. Chez les migraineux, qui souffrent souvent d’insomnie ou de troubles du sommeil, cet effet est amplifié. 

L’abus médicamenteux est un piège dans lequel tombent malheureusement certains patients. En prenant trop fréquemment des antalgiques ou des triptans, ils peuvent développer des céphalées par abus médicamenteux, qui s’accompagnent d’une détérioration supplémentaire des fonctions cognitives, particulièrement les compétences visuospatiales et l’orientation.

 

Différences entre types de migraine 

 

Toutes les migraines ne se ressemblent pas, et les impacts cognitifs varient selon le type. Les patients souffrant de migraine avec aura montrent une moins bonne performance en attention et en vitesse de traitement, suggérant que l’aura pourrait avoir des effets durables sur la cognition. 

L’aura est ce phénomène neurologique fascinant qui précède parfois la crise douloureuse. Elle se manifeste le plus souvent par des troubles visuels (vision de zigzags lumineux, taches aveugles), mais peut aussi provoquer des engourdissements, des difficultés à parler ou d’autres symptômes neurologiques. Ce phénomène correspond à une vague de dépolarisation qui se propage à la surface du cerveau, affectant temporairement son fonctionnement.

La fréquence des crises migraineuses est corrélée avec la performance cognitive dans la migraine épisodique, particulièrement pour les fonctions exécutives, la mémoire visuelle à court terme et l’attention. Plus les crises sont fréquentes, plus l’impact cognitif peut être important. Cela suggère un effet cumulatif des crises sur le cerveau, chaque épisode pouvant laisser une trace, même minime.

 

Risque de démence : que disent les études ? 

 

La question d’un lien entre migraine et démence préoccupe naturellement les patients et leurs familles. Les données scientifiques donnent une image nuancée. Bien que les cohortes longitudinales ne trouvent pas de risque accru de démence, les méta-analyses suggèrent une modeste élévation du risque. 

Cette apparente contradiction s’explique par les différences méthodologiques entre études. Les cohortes longitudinales suivent des groupes de personnes dans la population générale sur de longues périodes, tandis que les méta-analyses combinent les résultats de nombreuses études différentes. 

 Le risque de démence semble augmenté chez les patients migraineux ayant des crises fréquentes et sévères, car les études en clinique rapportent systématiquement des déficits cognitifs dans ces cohortes. Il est important de souligner que cela concerne principalement les formes sévères et fréquentes de migraine, pas les migraines occasionnelles. De plus, il s’agit d’un risque relatif modeste, pas d’une certitude, et de nombreux facteurs peuvent l’influencer.

Ces différences entre études sont probablement dues aux variations dans les tests cognitifs utilisés, les critères diagnostiques, et les populations étudiées. Il est crucial de ne pas dramatiser : avoir des migraines ne signifie pas qu’on développera une démence. Cependant, cela souligne l’importance d’un traitement préventif adéquat pour les migraines fréquentes et sévères.

 

Résultats des tests neuropsychologiques

 

Les études ont permis d’établir certains constats solides. Durant les crises, les études documentent systématiquement un dysfonctionnement cognitif réversible, affectant la vitesse de traitement, l’attention, la mémoire verbale et les fonctions exécutives. C’est un point rassurant : les troubles cognitifs durant les crises sont temporaires. Une fois la crise passée, les capacités cognitives reviennent progressivement à la normale.

Durant la période sans crise, les résultats sont moins cohérents ; tandis que de nombreuses études en clinique rapportent plusieurs déficits, les études en population ne trouvent souvent aucune différence par rapport aux contrôles. Cette différence s’explique probablement par un biais de sélection : les patients consultant en clinique spécialisée ont généralement une forme plus sévère de migraine avec des crises plus fréquentes, tandis que les études en population incluent aussi des personnes ayant des migraines occasionnelles et peu handicapantes.

 

Conclusion

 

La migraine n’est définitivement pas qu’un simple mal de tête : c’est un trouble neurologique complexe qui affecte profondément les capacités cognitives et mérite d’être pris au sérieux. Les modèles animaux montrent des déficits d’apprentissage et de mémoire, tandis que les études humaines suggèrent que l’hyperréactivité corticale et l’habituation sensorielle déficiente contribuent au traitement attentionnel altéré.

 La convergence des données issues de la recherche animale et humaine renforce notre compréhension des mécanismes impliqués. La bonne nouvelle est que les troubles cognitifs durant les crises sont réversibles, et qu’une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents ouvre la voie à des traitements plus ciblés et efficaces.

 Les patients migraineux et leurs médecins doivent être conscients de cet aspect souvent négligé de la maladie. Prendre en charge les troubles cognitifs peut considérablement améliorer la qualité de vie, non seulement en améliorant les performances au travail ou à l’école, mais aussi en réduisant l’anxiété liée à ces symptômes. Savoir que ces troubles sont une partie normale de la migraine, qu’ils sont temporaires et qu’ils peuvent être traités, est déjà en soi rassurant pour de nombreux patients.

Les recherches futures, utilisant des approches multimodales et des analyses de grandes données, permettront de mieux comprendre ces mécanismes complexes et de développer des interventions thérapeutiques plus efficaces pour préserver les capacités cognitives des personnes souffrant de migraine. L’objectif ultime est de permettre aux patients non seulement de souffrir moins, mais aussi de maintenir pleinement leurs capacités intellectuelles et leur qualité de vie.

 

Quelle solutions dans notre centre pour les céphalées ?

 

Dans notre cabinet de Chiropraxie, différentes solutions sont proposées pour aider et soulager les patients souffrant des céphalées (céphalées de tension, migraines, algie vasculaire de la face,…) comprenant des soins de Chiropraxie (manipulations vertébrales permettant d’enlever les irritations nerveuses), de la neurostimulation notamment stimulation du nerf vague, des exercices spécifiques de posture notamment au niveau cervical et pour les raideurs cervicales (très souvent associées aux céphalées et migraines), de la photobiomodulation (du laser froid ou laser de faible intensité) et finalement dans des cas sévères, de l’oxygénation hyperbare. Ces différentes approches combinées permettent de diminuer grandement l’intensité et la fréquence des crises chez les patients.

 

Références :