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Comprendre le lien entre l’intestin et le cerveau

 

La migraine est une maladie neurologique qui touche environ 14% de la population adulte mondiale, avec une prévalence particulièrement élevée chez les femmes. Cette pathologie se caractérise par des maux de tête modérés à sévères durant 4 à 72 heures, souvent accompagnés de nausées, vomissements et d’une sensibilité accrue à la lumière et aux sons.

Ce qui rend cette étude particulièrement intéressante, c’est qu’elle explore un domaine de recherche émergent : le lien entre notre intestin et notre cerveau dans le développement des migraines. Les symptômes gastro-intestinaux comme la diarrhée, la constipation et les troubles digestifs accompagnent fréquemment les crises migraineuses, suggérant une connexion profonde entre ces deux systèmes.

L’axe intestin-cerveau fonctionne de manière bidirectionnelle : notre système digestif peut influencer notre système nerveux central, et vice-versa. Cette communication s’effectue notamment par l’intermédiaire des milliards de bactéries qui peuplent notre intestin – ce qu’on appelle le microbiote intestinal.

 

Etude parue en 2025 sur le lien entre migraine et microbiote intestinal

 

Cette revue systématique parue en Avril 2025 dans le journal Acta Neurologica Belgia a été menée par des chercheurs indépendants qui ont analysé la littérature scientifique disponible. Ils ont fouillé les principales bases de données médicales pour identifier toutes les études pertinentes sur le sujet.

Au total, 4 304 articles ont été initialement identifiés, puis progressivement filtrés selon des critères stricts d’inclusion et d’exclusion.

Après cette sélection rigoureuse, six études de haute qualité ont été retenues, provenant de trois pays : la Chine (4 études), la Corée (1 étude) et l’Italie (1 étude). Ces études ont analysé au total 314 patients migraineux et 279 personnes témoins.

Caractéristiques des populations étudiées

Les participants étaient majoritairement des femmes (80% en moyenne), ce qui reflète la réalité épidémiologique de la migraine. L’âge moyen était de 34 ans pour les patients migraineux et 38 ans pour les témoins. Les échantillons analysés provenaient principalement des selles (5 études) et de la salive (1 étude).

Une étude s’est particulièrement intéressée aux enfants, avec des participants d’âge moyen de 7,5 ans, révélant que les modifications du microbiote peuvent survenir dès le plus jeune âge chez les personnes souffrant de migraine.

Diversité microbienne : Des résultats contrastés

Diversité alpha et bêta

Les chercheurs ont mesuré deux types de diversité microbienne :

  • La diversité alpha : la richesse et la variété des espèces bactériennes au sein d’un même échantillon
  • La diversité bêta : les différences de composition microbienne entre différents groupes

Les résultats concernant la diversité alpha se sont révélés inconsistants entre les études. Certaines ont montré une diversité significativement plus élevée chez les patients migraineux, tandis que d’autres ont observé une diversité réduite ou aucune différence significative.

Par exemple, l’étude de Jiang et collaborateurs a trouvé que les patients migraineux présentaient une diversité orale significativement plus élevée que les témoins. À l’inverse, Chen et collaborateurs ont observé une réduction significative de la diversité au niveau du genre et de l’espèce.

Concernant la diversité bêta, la majorité des études ont observé des différences significatives dans la composition microbienne entre patients migraineux et témoins, suggérant que la migraine est associée à des modifications spécifiques du microbiote.

Découvertes majeures : Les bactéries clés

Faecalibacterium : La bactérie protectrice en déclin

 

L’une des découvertes les plus consistantes de cette revue concerne la bactérie Faecalibacterium. Cette bactérie, reconnue pour ses propriétés anti-inflammatoires, était systématiquement réduite chez les patients migraineux dans toutes les études qui l’ont analysée.

Faecalibacterium produit des acides gras à chaîne courte, notamment le butyrate, qui :

  • Nourrit les cellules intestinales
  • Maintient l’intégrité de la barrière intestinale
  • Possède des propriétés anti-inflammatoires
  • Peut traverser la barrière hémato-encéphalique et moduler l’inflammation cérébrale

Cette réduction pourrait expliquer pourquoi les patients migraineux présentent souvent un état inflammatoire chronique qui contribue à leurs symptômes.

 

Veillonella : L’augmentation préoccupante

 

À l’opposé, la bactérie Veillonella montrait des niveaux constamment élevés chez les patients migraineux. Cette bactérie est impliquée dans le métabolisme du lactate et pourrait influencer les processus métaboliques liés à la pathogenèse de la migraine.

Veillonella est également associée au métabolisme des nitrates, produisant des nitrites qui peuvent être convertis en oxyde nitrique – un composé connu pour déclencher des crises migraineuses chez les personnes sensibles.

 

Prevotella : Un profil complexe

 

La bactérie Prevotella a montré un profil particulièrement intéressant. Elle était :

  • Élevée dans la migraine épisodique par rapport à la migraine chronique
  • Variable selon les études, suggérant son rôle potentiel comme marqueur de différenciation entre les sous-types de migraine

Autres modifications significatives

Roseburia, une autre bactérie bénéfique productrice de butyrate, était généralement réduite chez les patients migraineux, renforçant l’hypothèse d’un déficit en composés anti-inflammatoires.

Parabacteroides montrait des résultats variables selon les études, mais cette bactérie est connue pour ses effets pro-inflammatoires via la production de lipopolysaccharides.

Mécanismes proposés : Comment les bactéries influencent-elles la migraine ?

L’axe intestin-cerveau en action

Les chercheurs proposent plusieurs mécanismes par lesquels le microbiote intestinal pourrait influencer la migraine :

1. Production de neurotransmetteurs Certaines bactéries peuvent synthétiser ou dégrader des neurotransmetteurs comme la sérotonine, la dopamine et l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), influençant directement l’excitabilité neuronale et la perception de la douleur.

2. Voies inflammatoires Le déséquilibre du microbiote (dysbiose) peut conduire à :

  • Une augmentation de la perméabilité intestinale
  • Un passage de toxines bactériennes dans la circulation sanguine
  • Une activation du système immunitaire
  • Une neuroinflammation contribuant aux crises migraineuses

3. Métabolisme de l’oxyde nitrique Les bactéries comme Prevotella et Veillonella influencent la conversion nitrate-nitrite, affectant les niveaux d’oxyde nitrique systémique. L’oxyde nitrique étant un déclencheur classique de migraine, cette voie pourrait expliquer certaines crises.

4. Production d’acides gras à chaîne courte La réduction de bactéries bénéfiques comme Faecalibacterium et Roseburia diminue la production de butyrate, compromettant :

  • L’intégrité de la barrière intestinale
  • Les effets anti-inflammatoires locaux et systémiques
  • La modulation de la microglie cérébrale

Cas particuliers : Enfants et comorbidités

Migraine pédiatrique L’étude sur les enfants migraineux a révélé des modifications spécifiques du métabolisme du tryptophane, avec :

  • Une réduction significative des niveaux d’acide kynurénique dans le plasma
  • Une augmentation de la sérotonine et de l’acide quinolinique
  • Des altérations de 37 voies métaboliques, notamment celles impliquées dans le métabolisme du tryptophane et de la phénylalanine

Migraine avec syndrome de l’intestin irritable Les patients présentant à la fois migraine et syndrome de l’intestin irritable montraient une dysbiose particulièrement marquée, avec des différences significatives dans la composition bactérienne par rapport aux patients ayant uniquement un syndrome de l’intestin irritable.

Implications thérapeutiques : Vers de nouvelles approches

Interventions ciblant le microbiote

Ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques :

Probiotiques spécifiques L’administration de Faecalibacterium prausnitzii ou d’autres souches bénéfiques pourrait restaurer l’équilibre microbien et réduire l’inflammation.

Prébiotiques Des fibres alimentaires spécifiques pourraient favoriser la croissance des bactéries bénéfiques productrices de butyrate.

Modifications alimentaires

  • Augmentation de la consommation de fibres
  • Réduction des aliments pro-inflammatoires
  • Adoption d’un régime favorisant la diversité microbienne

Thérapies combinées L’intégration d’approches microbiome-centrées avec les traitements pharmacologiques classiques pourrait offrir une approche plus complète et personnalisée.

 

Considérations pratiques

 

Il est important de noter que les médicaments anti-migraineux peuvent eux-mêmes influencer le microbiote intestinal. Par exemple :

  • L’aspirine modifie les espèces Prevotella et Bacteroides
  • Le célécoxib et l’ibuprofène sont associés à un enrichissement en Acidaminococcaceae et Enterobacteriaceae

Cette interaction bidirectionnelle souligne l’importance de considérer l’état du microbiote lors de la prescription de traitements.

Populations spéciales et variations géographiques

Différences selon l’âge

Les modifications du microbiote varient significativement selon l’âge :

  • Enfants : Profil métabolique distinct avec des altérations du tryptophane
  • Adultes d’âge moyen : Dysbiose caractérisée par la réduction de Faecalibacterium
  • Personnes âgées : Patterns microbiens différents, possiblement liés aux changements immunitaires liés à l’âge

Variations géographiques

Les études provenant de différents pays ont montré des patterns similaires pour certaines bactéries clés (comme Faecalibacterium), mais des variations pour d’autres, suggérant l’influence de facteurs environnementaux et alimentaires locaux.

Forces et limites de la recherche

Points forts

  • Méthodologie rigoureuse : Revue systématique suivant les standards PRISMA
  • Évaluation indépendante par quatre chercheurs
  • Critères d’inclusion stricts garantissant la qualité des études
  • Analyse multi-niveaux : de la diversité globale aux espèces spécifiques

Limitations identifiées

Hétérogénéité méthodologique Les études utilisent différentes techniques d’analyse (séquençage 16S rRNA vs métagénomique), compliquant les comparaisons directes.

Contrôle alimentaire insuffisant Seulement deux études ont mentionné l’évaluation des habitudes alimentaires, alors que l’alimentation est un déterminant majeur de la composition microbienne.

Tailles d’échantillon limitées Les échantillons variaient de 29 à 196 participants, ce qui peut limiter la puissance statistique et la généralisabilité.

Études transversales La plupart des études étant transversales, elles ne permettent pas d’établir des relations de causalité définitives.

Application cliniques potentielles 

Biomarqueurs diagnostiques Le profil microbien pourrait à terme servir d’outil diagnostique complémentaire pour :

  • Différencier les types de migraine
  • Prédire la réponse aux traitements
  • Identifier les patients à risque de chronicisation

Médecine personnalisée L’analyse du microbiote individuel pourrait permettre :

  • Des recommandations alimentaires personnalisées
  • Le choix de probiotiques spécifiques
  • L’adaptation des traitements pharmacologiques

Prévention Une meilleure compréhension de l’axe intestin-cerveau pourrait conduire à :

  • Des stratégies préventives précoces
  • Des interventions chez les enfants à risque
  • Des approches de santé publique ciblant l’alimentation

Conclusion : Un nouveau paradigme pour comprendre la migraine

 

Cette revue systématique marque une étape importante dans notre compréhension de la migraine en révélant des associations spécifiques et reproductibles entre certaines bactéries intestinales et cette pathologie neurologique.

Messages clés à retenir

  1. La migraine s’accompagne de modifications spécifiques du microbiote intestinal, caractérisées principalement par une réduction des bactéries anti-inflammatoires et une augmentation de certaines espèces potentiellement pathogènes.
  2. Faecalibacterium, la « bactérie gardienne », est systématiquement réduite chez les patients migraineux, suggérant un déficit en composés anti-inflammatoires protecteurs.
  3. L’axe intestin-cerveau joue un rôle central dans la pathophysiologie de la migraine, ouvrant de nouvelles voies thérapeutiques complémentaires aux approches pharmacologiques traditionnelles.
  4. Les enfants ne sont pas épargnés, présentant des profils de dysbiose spécifiques qui pourraient contribuer au développement précoce de la migraine.
  5. L’approche thérapeutique de demain sera probablement multidimensionnelle, intégrant la modulation du microbiote aux traitements conventionnels.

Impact sur la prise en charge

 

Ces découvertes suggèrent que les cliniciens devraient commencer à considérer :

  • L’état digestif de leurs patients migraineux
  • L’impact potentiel de l’alimentation sur la fréquence et l’intensité des crises
  • Les approches complémentaires ciblant le microbiote
  • L’éducation des patients sur l’importance de la santé intestinale

 

Quelle solutions dans notre centre pour les céphalées ?

 

Dans notre cabinet de Chiropraxie, différentes solutions sont proposées pour aider et soulager les patients souffrant des céphalées (céphalées de tension, migraines, algie vasculaire de la face,…) comprenant des soins de Chiropraxie (manipulations vertébrales permettant d’enlever les irritations nerveuses) et de la neurologie fonctionnelle :  de la neurostimulation notamment stimulation du nerf vague, des exercices spécifiques de posture notamment au niveau cervical et pour les raideurs cervicales (très souvent associées aux céphalées et migraines), de la photobiomodulation (du laser froid ou laser de faible intensité), conseils nutritionnels et finalement dans des cas sévères, de l’oxygénation hyperbare. Ces différentes approches combinées permettent de diminuer grandement l’intensité et la fréquence des crises chez les patients.

 

Références :